Walter Baker & Co
(Etats-Unis)
Un chocolatier avisé
À l’origine de cette célèbre chocolaterie américaine née en 1765 : un jeune immigrant hollandais, John Hannon, qui avait appris le métier de chocolatier à Londres et qui, sans emploi, cherchait à créer une petite fabrique à Dorchester (Massachusetts), où il espérait pouvoir utiliser une partie de la force hydraulique du moulin de Milton, sur la rivière Neponset — il en avait approché les propriétaires (James Boise, Edward Wentworth, Henry Stone) à cette fin. James Baker (1739-1825), qui, en ce début des années 1760, tenait un petit commerce général à Dorchester aurait décidé de l’aider financièrement. Et ainsi en 1865, Hannon aurait été le premier en Amérique du Nord à produire du chocolat de cette façon (1). Son Hannon’s best Chocolate fut bien accueilli. Mais, trois ans plus tard, les propriétaires du moulin l’ayant vendu, il déménagea près de Boston et obtint d’Edward Preston que celui-ci équipât son propre moulin de matériel permettant de fabriquer du chocolat. Sans doute commercialisa-t-il alors à Boston le chocolat produit en petites quantités. Par ailleurs, on sait peu de choses sur les relations de Hannon et de Baker, sinon qu’ils travaillèrent, de temps à autre, l’un pour l’autre. De son côté, Baker avait pris intérêt pour le chocolat. Il se serait lancé dans cette fabrication en 1771, année où il passa sa première commande de fèves. Une fabrication qu’il effectuait dans le moulin à papier de Jeremiah Smith et Daniel Vose, dont il louait une partie. Sa première vente connue de chocolat date de 1772. Sans doute John Hannon fut-il amené à broyer du cacao pour Baker, dont l’entreprise marchait de mieux en mieux.
1894.
(1) Dans son ouvrage Sons of Providence : The Brown Brothers, the Slave Trade, and the American Revolution (2006), Charles Rappleye évoque une fabrique de chocolat gérée par la famille Brown à Rhode Island dans les années 1750 et au début des années 1760.
En 1775, John Hannon déménagea à nouveau pour s’établir dans un des moulins de James Boise. Il prit pour l’aider Nathaniel Blake, après que le moulin de Preston eût été détruit par le feu. Qu’arriva-t-il ensuite à John Hannon, en 1779 ? Selon les uns, il périt en mer en allant s’approvisionner en fèves de cacao dans les Indes Occidentales. Selon les autres, il se serait embarqué à destination de l’Angleterre pour échapper à un mariage malheureux et aurait disparu en mer. Quoi qu’il en fût réellement, on ne revit jamais plus Hannon à Dorchester.
Sa veuve, Elizabeth, ayant tenté vainement de poursuivre l’activité de son mari, on prétend que Nathaniel Blake l’aurait aussi abandonnée et qu’il aurait fabriqué du chocolat dans le moulin à papier de Daniel Vose jusqu’en 1780, année où Baker reprit complètement l’affaire de Hannon et produisit le premier chocolat Baker’s. Dans les années 1780 et 1790, celui-ci répartit la fabrication entre plusieurs moulins, y compris ceux d’Edward Preston, son beau-frère, et de Daniel Vose. Il aurait même loué une petite boutique à Boston pour y vendre son chocolat. Aidé de son fils Edmund à partir de 1791, il donna un essor décisif à la chocolaterie et à la distribution de ses produits.
Les descendants de James Baker devaient conserver le contrôle de la compagnie : Edmund Baker, qui succéda à son père, en 1804 ; puis le fils aîné d’Edmund, Walter Baker, qui dirigea la firme jusqu’à sa mort. Edmund prolongea l’œuvre paternelle. Il acheta les moulins de Samuel Leeds, construisit en 1806 le premier moulin Baker, consacré à la fois au chocolat, à la mouture et aux textiles, puis il se porta acquéreur du moulin de Benjamin Pierce dans un bâtiment voisin. Les problèmes économiques générés par la guerre de 1812-1815 n’entamèrent pas sa volonté de réussite — face à une situation analogue avant la révolution américaine, son père avait fait montre d’un ténacité similaire. Mais besoin était d’élargir son activité pour tenir. Aussi, en 1813, il détruisit le moulin édifié en 1806 et le moulin de Pierce pour faire ériger un moulin de granite bien plus vaste, permettant de fabriquer des tissus aussi bien que du chocolat.
Juriste, diplômé de Harvard, Walter (1793-1852) choisit de rejoindre l’entreprise familiale en 1818 et en assura la direction lorsque son père se retira, en 1823. Il la rebaptisa Walter Baker and Company, et, en 1827, lança sa marque W. Baker (qui remplaça la marque paternelle « E. Baker »). Il développa la commercialisation de ses produits, qu’il expédiait par bateau aux quatre coins des États-Unis. À partir de 1843, le chocolat Baker fut transporté par voie ferroviaire. C’est à cette époque qu’il mit sur le marché de nouveaux articles, comme les Spiced Cocoa Sticks ou le Spanish Chocolate, et qu’il revendiqua, haut et fort, l’aspect salutaire de son chocolat, reconnu par le monde médical, avec des produits tels l’Homeopathic Chocolate (1844) et la Broma and Cocoa Paste (1849). C’est aussi à cette époque que Walter se donna pour collaborateur son beau-frère, Sidney B. Williams, dans lequel il voyait son successeur. Mais en 1848, l’usine construite en 1813 par Edmund fut ravagée par un incendie. Elle dut être rebâtie et, sept mois plus tard, le complexe de Lower Mills reprit son activité. Comme prévu, Sidney B. Williams poursuivit la politique directoriale de Walter, après sa mort, mais il devait disparaître à son tour, en 1854. Un beau-neveu de Walter, Henry L. Pierce (1825-1896), géra alors la compagnie (2) et ce durant plus de quatre décennies, jusqu’en 1895. Il en fit la première chocolaterie des États-Unis. Il édifia en 1868 son premier moulin doté de salles de réfrigération souterraines — ce qui permettait une production estivale —, supervisa la construction de plusieurs bâtiments [Pierce Mill, 1872 ; Adams Street Mill, 1889 (3)], fit reconstruire le Webb Mill (1882) et le Baker Mill de 1806 (1891), fit raser le moulin de pierre de 1848 pour établir un moulin moderne (1895). Après avoir dirigé la chocolaterie pendant trente années, Pierce racheta Baker’s en 1884 — au terme de divers arrangements, il s’en trouva totalement propriétaire sept ans avant la mort de l’épouse de Walter Baker. Et en 1895 l’entreprise, sortie de la famille fondatrice, devint Walter Baker & Company, Ltd.
1856.
(2) Dorchester comptait alors deux autres fabriques de chocolat. Pierce acheta en 1860 le moulin à chocolat de Preston. Un quart de siècle plus tard, en 1881, il reprit la Webb’s Chocolate Co. — cette société, créée en 1843 par Josiah Webb et Josiah Twombley, s’installa au Webb Mill en 1850.
(3) En 1888-1889, sur les plans des architectes Winslow et Wetherell, fut construite l’imposante bâtisse à l’angle d’Adams Street.
Vers 1917.
Old Stone Mill, construit en 1849
à l'emplacement d'un moulin détruit par le feu en 1848.
Source : Dorchester Historical Society.
Coll. A. P.-R.
Cet essor exposa la firme à la compétition tant nationale qu’européenne. Pour s’imposer sur ce vaste marché, Pierce présenta son chocolat dans les grandes expositions internationales, où il remporta des médailles, de 1867 (Paris) au début du XXe siècle. Elle fut le seul exposant des États-Unis à l’Exposition Universelle de 1900. À l’époque, sa production représentait environ la moitié de la production globale des États-Unis. Par ailleurs, Pierce mit l’accent sur la communication publicitaire auprès des détaillants comme du public (voirci-dessous). La fait d’être secondé efficacement par H. Clifford Gallagher, alors directeur de l’entreprise, lui permit d’effectuer parallèlement une carrière politique, à Boston, mais aussi à Washington (D.C.), à partir de 1860. À la mort de Pierce (1896), H. Clifford Gallagher lui succéda à la présidence. L’année suivante, la firme fut achetée par un groupe d’hommes d’affaires, dirigé par John Malcolm Forbes. Sous la férule de ce « Forbes Syndicate », elle se modernisa considérablement et éleva de nouveaux lieux de fabrication (Ware Mill, 1902 ; Preston Mill, 1903 ; Power House, 1906 ; etc.). En 1917, elle consacra une grande partie de sa production aux rations des troupes en guerre, sous la marque W. T. W. (« Win The War », « Gagner la guerre »). Reprise en 1927 par la Postum Cereal Co., la chocolaterie Walter Baker & Co. se retrouva, deux ans plus tard, au sein de la General Foods, née en cette année 1929 de la fusion de Postum avec la Clarence Birdseye’s. Pendant le second conflit mondial,en tant que division de la General Foods, Baker’s fabriqua des rations de chocolat pour l’armée et la marine et mit au point une Ration D Bar spéciale, résistant mieux à la chaleur. Celle-ci fut utilisée comme ration d’urgence et donnée à la Croix-Rouge pour être distribuée aux prisonniers de guerres. La production de la firme fut transférée à Dover (Delaware) en 1965. Aujourd’hui, Baker, qui a suivi les mutations de la General Foods, constitue une division du groupe Kraft Foods, et la fabrication de ses articles est désormais effectuée au Québec.
Le chocolat Baker
Sur les traces de son premier produit, le chocolat amer N° 1 Premium Chocolate(1780), qui a survécu jusqu’au XXIe siècle, James Baker lança deux autres chocolats N° 2 (1798) et N° 3 (1803), de qualité décroissante, le N° 3 étant, avant 1865, surtout vendu aux esclaves du sud des États-Unis et des Caraïbes — presque deux fois moins que le N° 1, il comportait tant de riz écrasé qu’il donnait une boisson épaisse et granuleuse. Coques et nibs étaient aussi commercialisés pour la confection de boissons à bas prix. En 1849, emboîtant le pas du Britannique J. S. Fry & Sons, Walter Baker créa la tablette de chocolat doux Caracas, appelée à rester un de ses articles les plus populaires jusqu’au cœur du XXe siècle. En 1852 suivit le German’s Sweet Chocolate, baptisé du nom de son inventeur, l’Anglais Samuel German, collaborateur de Baker. Parmi les autres produits lancés à cette période : l’Eagle Chocolate, le Vanilla Chocolate et le French Chocolate. Il fallut attendre 1928 pour que la firme proposât son premier chocolat au lait. En 1940, toute une ligne de produits vit le jour, dont des barres chocolatées aujourd’hui disparues.
S’il est impossible de dater le lancement du Breakfast Cocoa, mention est faite d’un Prepared Cocoa dès 1835, puis d’un W. Baker’s Powdered Cocoa en 1847. Le Breakfast Cocoa devint rapidement un des produits phares de la firme ; pur, digestible, savoureux, il était reconstituant et, de ce fait, selon sa publicité, recommandé aux malades autant qu’aux personnes en pleine santé. Il devait rester populaire jusqu’en 1952, année où il fut remplacé par un autre produit à base de cacao. Jusqu’en 1860, la chocolaterie ne fabriqua qu’un cacao sans sucre (plain chocolate), mais à partir de 1873, elle se lança dans la poudre de cacao qui, trois décennies plus tard, allait représenter un tiers de sa production.
Par ailleurs, en confiserie de chocolat, la société Baker’s mit au point, dans les années 1880, un chocolat d’enrobage, Dot Chocolate, destiné aux ménagères. Elle continue à fabriquer des produits tels que les Chocolate Chunks (« Brisures de chocolat », 2001), venus remplacer les Chocolate Chips, de taille inférieure, ou le Dipping Chocolate (2002), qui fond au micro-ondes. Son chocolat pâtissier se décline en « sucré », « mi-sucré », « non sucré », « mi-amer », « noir », « blanc », etc.
L’emblème de la marque
1889.
Publicité parue dans Country Life, en 1911.
1911.
Coll. A. P.-R.
Publicité de 1907.
La publicité « presse »
1911.
1920.
Les recettes
1955.
1939.
1939.
1938.
1940.
1939.
Les boîtes
Les chocolatières en porcelaine de Dresde
. La plaque en porcelaine
réalisée par Bucker Walker,
vers 1880, pour le marché britannique.
• La demi-poupée en porcelaine.
Plateau en métal peint.
Pour en savoir plus :
• le livre d'Anthony Mitchell Sammarco, The Baker Chocolate Company : A Sweet History, The History Press, 2009.
• la Dorchester Historical Society, https://www.dorchesterhistoricalsocietyblog.org/
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