Compagnie Française
des Chocolats et des Thés
(France)
née au XVIIIe siècle finissant…
Cette chocolaterie compta parmi les sociétés qui, à la fin du XIXe siècle, commerçaient avec les colonies. En 1770, le Dijonnais Henri Duthu, pharmacien de son état, créa à Paris, rue Saint-Denis, un Comptoir des Thés et Chocolats, dont un atelier fabriquait du chocolat (25 à 30 livres par jour), qu’il vendait 6 à 8 francs la livre. « Il prétendait que seul un pharmacien de première classe pouvait prendre les méticuleuses précautions qu’exige cette composition. Très difficile sur le choix de ses ouvriers, qu’il voulait propres, soigneux, et qu’il lui fallait robustes, il leur faisait broyer à chacun par jour de cinq à six livres de matières. M. Duthu admirait et respectait tellement son produit qu’il proclamait indignes de l’acheter ceux qui ne possédaient pas une casserole d’argent afin de l’hydrater et une cuiller de même métal pour le remuer. », lit-on sous la plume de Julien Turgan (Les grandes usines de France, 1881). Cette reconnaissance de la valeur de Duthu ne s’était pas faite attendre. On avait déjà pu lire dans Le Moniteur du 17 mars 1791 une lettre-éloge de sa manufacture, construite à partir d’une réalité pas toujours très poétique, mais vécue :
« Au Rédacteur.
J’aime le chocolat, Monsieur, comme les anciens héros des romans aimaient leur maîtresse, malgré leurs rigueurs. Le chocolat m’a fait plus d’une fois éprouver les siennes ; j’ai essuyé des indigestions, des nausées, des coliques. C’en était, je pense, bien assez pour amener une rupture entre le chocolat et moi ; mais je ne romps avec mes amis qu’après un bien mûr examen. J’en fis un, et je reconnus que j’étais le jouet d’un ami faux, d’un chocolat factice, qu’une manipulation trop compliquée et des mélanges hétérogènes avaient rendu très malsain. Une tasse de ce mauvais chocolat peut amener des accidents graves, et, loin de répondre alors aux intentions des médecins qui en prescrivent l’usage, loin de rétablir les forces digestives de l’estomac, c’est lui-même qui contribue le plus à les détruire.
Que faire donc en pareil cas ? Ce que j’ai fait : j’ai cherché le bon chocolat, comme Diogène cherchait un homme sans défaut, recherche très inutile et très folle de sa part, très sage de la mienne. Elle m’a réussi, grâce à mon médecin, qui m’a indiqué M. Duthu, fabricant de chocolat dans cette ville, rue Saint-Denis, 272, vis-à-vis Sainte-Opportune. J’ai trouvé chez lui, en effet, un chocolat délicieux et salubre ; il m’a fait un bien indicible au milieu des ravages d’un rhume qui me minait depuis longtemps et dont les quintes violentes étaient presque toujours accompagnées d’hémorragies. Au reste, la réputation de M. Duthu est faite : je sais que son talent, la franchise de ses procédés et la solidité de ses connaissances le préservent du besoin d’être loué. Mais qu’importe ? Je me plais à lui rendre justice, dans l’espérance que le public en pourra faire son profit. » (1) Le chocolatier ne put, sans doute, que se réjouir d’une telle réclame… Son chocolat analeptique au salep de Perse, son chocolat au lichen et son chocolat gommeux, dans la confection duquel il excellait, dit-on, faisaient merveille pour requinquer les valétudinaires et les convalescents… (2)
Un homme aussi pointilleux que Duthu ne pouvait que se montrer exigeant quant au choix de son successeur. Aussi transmit-il sa chocolaterie, qui jouissait d’une grande réputation, à « un pharmacien de première classe comme lui », André Lhœst. En 1827, l’entreprise, exploitée par Lhœst, fut acquise par Pelletier, neveu de François Pelletier (3), qui s’inspira de l’expérience de son oncle pour l’équiper de machines. Le 22 septembre 1838 lui fut délivré un brevet d'invention, pour dix ans, concernant un « système de garnitures de meules à moudre, dites moulin Pelletier ». La Compagnie Française des Chocolats et des Thés Pelletier & Cie se développa au point de compter trois usines, à Paris, à Londres et à Strasbourg. En 1862, elle fut promue fournisseur de la princesse de Galles, future reine Victoria, et elle remporta une médaille d’argent lors de l’exposition de Paris, en 1867. Dans son rapport sur le Matériel de la chocolaterie (section III, Exposition universelle de 1867 à Paris. Rapports du jury international), le baron Thénard rend hommage à l’invention de Pelletier : « une broyeuse montée en forme de meules de moulin, précieuse pour les chocolats fins, dont elle empêche l’arôme de s’évaporer ». À l’époque, l’affaire, devenue en 1853 société en commandite par actions (4), était entre les mains des fils de Pelletier, Auguste et Eugène (5). « Les liens avec les États allemands étaient déjà solidement noués : la Compagnie fournissait les 750 coopératives d’outre-Rhin, séduits par l’idée de l’association et de coopérative telle que les frères Pelletier l’avaient développée. Pour Auguste, il fallait franchir la nouvelle frontière et se rapprocher de Strasbourg et des détaillants. », explique Philippe Turrel. Ainsi, en 1871, Auguste, auquel son frère avait cédé la direction de la compagnie, créait, en partenariat avec François Schaalet son fils Louis, une succursale à Strasbourg : Compagnie Française des Chocolats et des Thés L. Schaal & Cie.
À Paris, son siège se trouvait au 60 rue des Gobelins, et son entrepôt général, au 18 boulevard de Sébastopol. Son « cacao en poudre concentré », « garanti pur », vendu en boîtes métalliques carrées, à 2 fr. 50 le demi-kilo, arborait une publicité comparative pour le moins originale : « Se méfier des cacaos en poudre venant de l’étranger et préparés à l’alcali : éviter surtout d’en faire prendre aux enfants. » Son chocolat « garanti pur cacao et sucré », de qualité supérieure, se vendait à 2 fr. 50 le demi-kilo. Au tournant du XXe siècle, il s’en fabriquait 10 000 kg par jour. Il est intéressant de noter que cette chocolaterie considérait que les chocolats, pour être bons, devaient être d’une «couleur franche, lisses, brillants et compacts. Leur pâte est d’une homogénéité parfaite, leur grain fin et uni ; ils ne cassent qu’avec effort, avec un bruit sec ; ils fondent moelleusement dans la bouche, imprègnent les papilles de saveurs aromatiques et laissent l’impression d’une agréable fraîcheur. Ils se dissolvent dans le lait ou dans l’eau sans laisser le moindre résidu. Ils épaississent un peu par une longue cuisson, mais ne forment jamais une pâte consistante ou gélatineuse comme les dissolutions concentrées de substances mucilagineuses ou farineuses. Le palais du gourmet n’oublie jamais les saveurs du cacao et de la vanille.» (6)
(1) Cité dans Gazette anecdotique, littéraire, artistique…, 1879.
(2) Gazette de santé : ou recueil général et périodique de tout ce que l'art offre de plus avantageux en théorie et en pratique pour prévenir ou guérir les maladies, 15 décembre 1820.
(3) Dit « L’Américain » parce qu’il avait suivi La Fayette en Amérique lors de la guerre d’indépendance des futurs États-Unis. Il avait monté, en 1819, à Paris, à l’angle de la rue de Richelieu et de la rue Neuve-des-Petits-Champs, une petite usine, à l’enseigne « À l’Américain », dotée d’une pompe à vapeur d’une force de quatre chevaux animant un « appareil » à fabriquer la pâte à chocolat et permettant de produire plus de 75 kilos de chocolat en 12 heures.
(4) La maison « ne vit que dans l’association […] un moyen assez puissant pour échapper à la pente fatale dans laquelle glissait l’industrie chocolatière. En créant un capital assez considérable pour opérer sans subir les dures conditions du négoce ; elle devint propriétaire de ses usines et y fit fonctionner les appareils perfectionnés qu’elle seule possédait. Des planteurs du Caracas et du Para, ses anciens correspondants, devinrent les principaux actionnaires, la maison maritime qui, depuis de longues années, trafiquait pour elle avec la Chine, devint son associée, et elle créa des actions spéciales réservées aux débitants qui voudraient se fournir de ses thés et de ses chocolats. », expliquent Auguste et Eugène Pelletier dans leur petit traité, Le thé et le chocolat dans l’alimentation publique…(1861). Le capital était réparti en 3 000 actions ; 1 600 d’entre elles étaient réservées aux détaillants.
(5) Eugène Pelletier écrivit un ouvrage Du mouvement coopératif international; étude théorique et ..., Paris, 1869.
(6) Cité par Sylvie Girard, Guide du chocolat et de ses à-côtés, 1984.
Anonyme, 52 x 38 cm.
Les affiches
Théophile Alexandre Steinlen, 1895.
Alfons Mucha,1897.
Les chromos
Ajouter un commentaire
Commentaires