La consommation de cacao
La Nouvelle-Espagne resta longtemps, du moins durant la majeure partie du XVIIe siècle, le pays le plus consommateur de cacao. C’est au siècle suivant que l’Europe, notamment la péninsule ibérique, s’imposa sur ce marché, qui exploita alors au maximum le principe du commerce triangulaire. Un commerce pour le moins tumultueux, où s’infiltraient spéculateurs, contrebandiers, pirates, etc. et dont le cacao eut parfois à souffrir. La consommation mondiale de cacao augmenta considérablement à partir du milieu du XIXe siècle, période qui connut d’énormes avancées technologiques. Jusque vers 1950, la consommation de cacao fut essentiellement assurée par l’Europe de l’Ouest et par l’Amérique du Nord. La fulgurante croissance de la consommation aux États-Unis — 23 000 t en 1902, 200 000 t en 1927 — s’explique, semble-t-il, par la prohibition qui fut imposée au pays entre 1919 et 1933 et par le rôle des Quakers qui, en étayant leur propagande anti-alcoolique sur les qualités du chocolat en tant que boisson, contribuèrent à le répandre à tous les niveaux de la société américaine. Au début des années 1970, le plus gros consommateur était les Etats-Unis, avec 25 % de la consommation mondiale. Il est intéressant d’observer qu’à la fin de ces années 1970, la Colombie et l’Équateur étaient les seuls pays d’Amérique latine à figurer parmi les vingt-trois consommateurs mondiaux.
Il est d’abord important d’avoir à l’esprit que les pays consommateurs ne sont pas les pays producteurs, que, s’ils traitent le cacao, ils n’importent pas tous des fèves pour leur consommation exclusive — c’est le cas, par exemple, des Pays-Bas — et que la transformation du cacao en produits chocolatés est industrielle, lors même que la cacaoculture demeure artisanale et familiale. La demande est en progression constante. Entre 1960 et 2006, comme la production, elle a été multipliée par trois. Entre 1995 et 2005, la consommation mondiale de fèves de caco a augmenté, en moyenne, de 2,3 % par an, les deux tiers de cette hausse concernant les pays industrialisés (Europe de l’Ouest, Amérique du Nord, Japon), mais la croissance la plus rapide touchant les nouveaux marchés d’Europe de l’Est, d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine.
Au début des années 2010, la consommation se situe à 80 % dans les pays industrialisés d’Europe et d’Amérique du Nord. Toutefois, l’émergence des pays asiatiques se précise. On prévoit qu’en 2025, Europe et Amérique du Nord ne représenteront plus que 50 % du marché. La production mondiale devra augmenter de plus de 15 % pour faire face à l’attente des nouveaux marchés. Les zones de consommation de cacao évoluent donc. À la fin des années 2000, la France occupait la cinquième place (3 %), derrière les États-Unis, la Russie, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Les autres importants demandeurs de cacao étant l’Inde, la Chine, le Brésil, la Pologne, l’Ukraine et l’Italie. D’autre part, dans les pays producteurs de cacao, la consommation de chocolat fut longtemps insignifiante. Mais, depuis le tournant du troisième millénaire, elle affiche une augmentation notable, sans doute due à l’urbanisation croissante que connaissent ces pays. Ce nouveau marché intérieur se contentant de cacaos de moindre qualité, des cacaos décotés sont importés, alors que la production nationale de cacaos est exportée vers l’Europe ou l’Amérique du Nord. Un tel phénomène est observable au Brésil et au Venezuela, notamment. Compte tenu d’un savoir-faire technique souvent insuffisant, les chocolats confectionnés sont destinés à la consommation locale. À de rares exceptions près, comme celle de l’Équateur qui, pour posséder des marques de chocolats plus élaborés, exporte une petite portion de sa production.
La consommation mondiale de cacao se mesure en fonction des broyages de fèves par l’industrie. Elle a poursuivi sa croissance entre 2000-2001 (3,1 millions de tonnes) et 2008-2009 (3,7 millions de tonnes), au taux de 1,9 % par an — soit presque 600 000 tonnes pour la période —, pour atteindre 4 % en 2009-2010. Deux phénomènes justifient cette évolution : la forte demande de cacao en poudre émanant de marchés non traditionnels, situés en Europe de l’Est, en Extrême-Orient et en Amérique Latine, a boosté les broyages à la fin des années 1990 ; en 1998-1999, la demande de beurre de cacao a baissé suite à une diminution de la consommation de chocolat, notamment dans les pays d’Europe de l’Est — ce qui a généré des stocks de beurre de cacao et explique la chute de 6 % accusée par la consommation mondiale de cacao en 2001-2002 (2,9 millions de tonnes). Au cours de cette première décennie du XXIe siècle, l’Europe est restée, de loin, le broyeur le plus important, avec une hausse d’environ 136 000 tonnes entre 2000-2001 et 2009-2010 (en moyenne, 1,1 % par an). Néanmoins, sa position par rapport à la consommation mondiale est passée de 45 % à 42 %, alors que celle des États-Unis a régressé de 28 à 22 % et que celle de l’Afrique a progressé de 14% à 17%. Quant à celle de l’Asie et de l’Océanie, pour avoir bénéficié de l’augmentation continue des broyages en Indonésie et en Malaisie, elle a affiché 19 % en 2009-2010, par rapport aux 14 % de 2000-2001.