Les pays du cacao

 

 

La production mondiale de cacao s’est considérablement développée depuis le milieu du XIXe siècle. Estimée alors à quelque 14 000 tonnes, elle provenait d’Amérique tropicale, terre d’origine du cacao. La culture cacaoyère ayant été introduite en Afrique de l’Ouest à la fin du XIXe siècle, cette production atteignit, en 1900, 115 000 tonnes, soit presque le double du chiffre de 1894. La moitié en était encore fournie par le Brésil, l’Équateur et le Venezuela ; la contribution africaine représentait alors 17 %, le reste revenant au Caraïbes (28 %), ainsi qu’aux plantations d’Asie et d’Océanie. Longtemps, du côté de l’Amérique, Brésil et Equateur produisirent jusqu’à 25 % de la production mondiale. Sur le continent africain, les missions religieuses favorisèrent la diffusion de la culture. Et bientôt la situation s’inversa… En 1916, où la production s’envola au-dessus des 300 000 tonnes, une grande partie de la production revenait à la Gold Coast (Ghana), avec son territoire d’Ashanti, à Trinidad et à Grenade, ainsi qu’au Brésil, à l’Équateur, au Venezuela,, à Saint-Domingue et à Saõ Tomé. A partir des années 1920, quatre pays africains (Ghana, Côte-d’ivoire, Nigeria, Cameroun) fournirent plus de 50 % de la production mondiale. Celle-ci grimpa à 483 000 tonnes, dont 60 % assurés par la seule Afrique de l’Ouest. Certes, elle connut ensuite, en alternance, des périodes de basse production (par ex. dans les années 1960 et 1990) et des périodes de croissance et de surproduction. Une constante toutefois : la position dominante de l’Afrique sur le marché — elle produisit à elle seule 78 % en 1964 et continue, dans les années 2000, de représenter plus des deux tiers de la producton mondiale. Cette poussée africaine s’explique à la fois par les encouragements apportés à la cacaoculture, les efforts mis en œuvre pour maintenir la qualité et pour lutter contre maladies et parasites, ainsi que l’essor des espèces à haut rendement. Elle bénéficia, par ailleurs, du déclin de certaines plantations d’Amérique latine, de la maladie qui ravagea les cacaoyers équatoriens, de l’intérêt commercial qui favorisa d’autres productions (par ex., le pétrole au Venezuela), etc.

Affichant près de 1 500 000 tonnes en 1975, l’économie cacaoyère fut bouleversée à la fin des années 1970 par l’entrée sur le marché de deux pays d’Asie du Sud-Est (Malaisie, Indonésie), lesquels allaient assurer dès 1990 15 % de la production mondiale. Cette production mondiale a évolué par bonds, accusant une hausse de presque 400 000 tonnes lors de la campagne 1984-1985, de presque 300 000 tonnes lors de la campagne 1987-1988, de plus de 250 000 tonnes lors de la campagne 1988-1989, etc. Entre 2000-2001 et 2009-2010, elle a accusé une hausse moyenne de 2,5 %. La part africaine est passée de 69 % à 70 %. Quant à l’émergence des cacaos d’Asie et d’Océanie, elle n’a progressé que de 2,1 % pour l’Asie et de 1,8 % pour l’Océanie. Au cours de cette période, la hausse a été assurée principalement par le Ghana, l’Indonésie, le Cameroun, le Nigéria, l’Équateur et le Brésil. En revanche, la production cacaoyère de Malaisie marqua un recul. Et la production ivoirienne connut en 2008-2009 son niveau le plus bas depuis 2000-2001.

L’évolution de la production cacaoyère est très dépendante des maladies des végétaux et des conditions climatiques. Une pluviométrie supérieure à la normale, des phénomènes climatiques comme El Niño ou La Niña, etc., et la production s’en trouve affectée. Celle-ci subit aussi les effets de l’instabilité politique de certains états et accuse parfois une nette dégradation, ce qui se traduit par des prix du cacao perturbés et une qualité de fèves inégale. En dépit de ces aléas, en 2011-2012, l’Afrique, de loin la principale région productrice de cacao, couvre 71 % de la production mondiale (2,826 millions de tonnes). l’Amérique Latine en fournit 14 % (574 000 tonnes), l’Asie et l’Océanie 15 % (590 000 tonnes). Le plus gros producteur demeure la Côte-d’Ivoire avec 38 % de la production mondiale. Suivent le Ghana (21 %), l’Indonésie (13 %), le Nigeria (5 %), le Cameroun (5 %), le Brésil (4 %), l’Équateur (3 %) et la Malaisie (1 %), les autres pays producteurs représentant les 10 % restants. En Amérique latine, d’où sont issus nombre des meilleurs cacaos, Colombie, Bolivie et surtout Pérou tendent à développer leurs potentialités cacaoyères, comme l’ont déjà fait Équateur et Venezuela.

2009

Au début de la deuxième décennie du XXIe siècle, l’offre future de cacao suscite, néanmoins, quelques inquiétudes, car la productivité ne suit pas la croissance de la demande des consommateurs. Des plantations vieillissantes, un âge moyen des producteurs en hausse, des problèmes de qualité… En 2012, la fédération britannique Food and Drink Federation estimait qu’au tournant des années 2020, un million de tonnes de cacao supplémentaire serait nécessaire pour satisfaire la consommation mondiale, ce qui correspond presque à la production de la Côte-d’Ivoire. Les spécialistes œuvrent pour une coopération internationale afin d’apporter des solutions. Parmi celles-ci : « augmenter les revenus des producteurs de cacao en développant la transformation locale pour inclure les produits semi-finis à base de cacao. Ceux-ci peuvent alors être fournis aux pays consommateurs selon la méthode du “ just in time ” (ou “ à flux tendu ”). » ; « renforcer le fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement du cacao », dans certains pays (Cameroun, par ex.), en supprimant les intermédiaires « afin que les producteurs puissent recevoir la pleine valeur de leurs fèves de cacao séchées », etc. (1) La Conférence mondiale sur le cacao, qui s’est tenue en 2012 à Abidjan, eut pour objectif d’analyser les défis et d’adopter une stratégie, baptisée Le Plan mondial cacao.

Les producteurs de cacao

 

Trente-six pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) sont aujourd’hui concernés par la production de cacao (soit près de 75 % de la production mondiale), auxquels sont venus se joindre des territoires d’Asie et d’Océanie. Quelque 95 % de la production globale proviennent d’exploitations familiales de moins de 5 hectares, le plus souvent dispersées et peu ou pas structurées. Ce qui représente des millions de petits planteurs, qui connaissent, pour la plupart d’entre eux, des conditions de vie précaires, voire misérables. Un fossé existe entre ces agriculteurs et les multinationales qui régissent le marché du cacao, entre eux et les acheteurs, entre le prix auquel le cacao leur est acheté et le prix payé par le consommateur du produit fini. Or les chiffres sont parlants : le monde a consommé en 2009 plus de 5 millions de tonnes de produits chocolatés ; pour arriver à cette production, il a fallu utiliser près de 80 milliards de cabosses « cueillies à la main, puis cassées une à une, pour en extraire les précieuses graines, pour obtenir les quelque 3 millions de tonnes de cacao marchand qui sont à l’origine de notre chocolat et qui font vivre 40 à 50 millions d’êtres humains sur la planète. » (2) C’est au rapprochement avec ces petits producteurs que visent le développement durable et le commerce équitable, dans un esprit de solidarité qui ne peut être que bénéfique à la qualité du cacao.                                                                                      

En général, le rendement moyen du cacao est faible (environ 421,3 kg/ha), or il devrait être supérieur à 1 000 kg/ha. Cela tient aux dimensions des plantations, ainsi qu’au fait que les prix demeurent très bas malgré l’augmentation de la demande, que le cacao est particulièrement sujet aux ravageurs et aux maladies et qu’y faire face est d’un coût élevé. En dépit des tentatives d’amélioration de la situation des planteurs, la commercialisation demeure règlementée : non accès des producteurs au marché, prix imposés, négociants de brousse désignés, exportateurs cooptés. En revanche, en Amérique latine, les filières de commercialisation se sont libérées. du fait qu’il n’existe pas d’organisation structurelle au niveau des planteurs et que sévit l’absence d’information, les écarts de prix peuvent être importants. C’est le cas, par exemple, au Pérou, alors que les producteurs d’Equateur bénéficient d’une valorisation claire et que ceux du Brésil, affiliés à l’APCFE (voir Brésil), bénéficient « de primes directement liées à la qualité objective des lots de fèves (fermentation, séchage, ph, teneur en sucre, teneur en matière grasse) » (3).

La majeure partie des producteurs, vivant en dessous du seuil de pauvreté, doivent pratiquer, parallèlement, des cultures vivrières (tubercules, fruits, céréales). Cette nécessité alimentaire s’explique aussi par l’isolation des zones de culture. Elle pose un grave problème lorsque, par suite de la chute de leur rente agricole, pour diverses raisons, les planteurs développent ces cultures parallèles au-delà de leur simple subsistance, à des fins financières. Réduction du couvert forestier, épuisement des sols par brûlis, sarclage, etc., contamination des eaux par les pesticides… L’équilibre et la fertilité des parcelles en pâtissent considérablement. Sans compter que, toujours dans le souci de survivre, certains producteurs accélèrent la commercialisation de leur cacao : récolte trop précoce, mauvais traitement des cabosses, vente de fèves non fermentées. Ne possédant pas les qualités phytosanitaires et organoleptiques optimales, les lots de fèves sont cédés à très bas prix. « Le cercle vicieux est alors amorcé (produit médiocre / prix bas / seuil de subsistance / accélération de la récolte) et ne permet donc pas de modifier la structure de production, inviable dans une projection longue. / des solutions existent, et les modèles pertinents doivent être expliqués et implantés dans ces régions. Les applications technologiques des dernières décennies (information, communication, pratiques agronomiques) permettront aux producteurs une meilleure compréhension de la filière, et donc une meilleure adéquation entre leurs nécessités et leurs possibilités. », indique Nicolas Maillot (4) dans son rapport de la conférence internationale organisée à Accra (Ghana) en octobre 2007, à l’initiative du Ghana Cocoa Board et du Ministère de l’Agriculture des Pays-Bas.

(1) La production de cacao se développe mais les défis restent de taille, Agritrade, 24 février 2013.

(2) Michel Barel, dans Chocolat et Confiserie Magazine, n° 446, septembre-octobre 2011.

(3) Chocolat et Confiserie Magazine, n° 426, mai-juin 2008.

1997

(4) Chocolat et Confiserie Magazine, n° 426, mai-juin 2008.

Pour remédier à cette situation, d’ores et déjà, les filières courtes certifiées (labels), telles qu’elles ont été mises en place, par exemple, au Venezuela, en Equateur ou au Brésil, proposent aux producteurs un prix plancher et une prime en rapport avec les circuits traditionnels. La suppression de certains intermédiaires suppose que les acteurs de la chaîne soient polyvalents et restreint les manipulations physiques. Ce qui induit une meilleure communication entre les maillons de la filière et une plus grande réactivité face aux attentes du marché, garantit une traçabilité accentuée des fèves et permet la mise en valeur de l’identité aromatique du cacao concerné. Ce mode de production a pour autre avantage de générer des gains qui compensent les coûts importants inhérents aux petits volumes. Toutefois, au début de la deuxième décennie du XXIe siècle, cette politique ne concerne encore qu’un dixième de la production mondiale, et les primes destinées aux planteurs demeurent modestes.

Certains gros chocolatiers ont signé des partenariats de certification avec des communautés de producteurs, comme au Ghana ou en Côte-d’Ivoire. Par ailleurs, des pays producteurs de cacao se sont tournés vers la fabrication de demi-produits. Mais ceux-ci révèlent encore, notamment, un traitement des fèves souvent mal maîtrisé, surtout lors de la torréfaction et du broyage de la pâte de cacao, ainsi qu’une homogénéité aromatique des lots laissant à désirer — les profils sensoriels diffèrent de ceux des marchés importateurs. Toutes imperfections qui peuvent constituer des obstacles pour leur commercialisation auprès des pays consommateurs. Enfin, le modèle développé par les « filières courtes associatives », qui consiste à nouer des partenariats directs entre planteurs de cacao et artisans couverturiers européens et ne porte, certes, que sur des petits volumes, garantit de mieux rémunérer le travail des producteurs. Tout en permettant d’élaborer des chocolats d’origine précise, sur mesure, correspondant aux attentes des consommateurs (5).

(5) D’après une étude de Nicolas Maillot, coordinateur de la Fine Cocoa Association et planteur au Brésil, Les stratégies des pays producteurs et leurs perspectives de marché, dans Chocolat et Confiserie Magazine, n° 439, juillet-août 2010.

A lire en ligne

 

GUIDE MONDIAL DES SYSTÈMES DE CULTURE DU CACAO

compilé et édité par : Andrew Daymond1, Diana Giraldo Mendez, Paul Hadley et Philippe Bastide

Projet financé par l’Organisation Internationale du Cacao (ICCO) et la Fondation suisse de l’économie du cacao et du chocolat.

https://www.icco.org/wp-content/uploads/Global-Review-of-Cocoa-Farming-Systems_Final-French.pdf