Les maladies du cacaoyer

 

 

Compte tenu que les végétaux épiphytes pullulent dans les régions tropicales, le cacaoyer est largement exposé à leurs attaques. Ce sont surtout des champignons. Chaque année, les maladies fongiques détruisent environ un tiers de la production mondiale. En outre, par les lésions qu’ils provoquent, les champignons contribuent à la propagation d’autres maladies destructrices. En 1899, lorsqu’une variété de Phytophthora fut isolé du cacao par Massee, ce champignon pathogène constituait le plus gros problème en matière de cacaoculture dans le monde. Plusieurs variétés de Phytophthora ont été impliquées dans la pourriture brune des cabosses (angl. black pod) : P. arecae, P. capsici, P. citrophthora, P. megakarya, P. megasperma, P. nicotianae var. parasitica et P. palmivora. Seul le Phytophthora palmivora est répandu à l’échelle mondiale. Son agressivité varie selon les régions — il peut provoquer jusqu’à 80 à 100 % de perte dans les zones les plus favorables à la maladie, telles les plantations des Caraïbes et d’Amérique Centrale au cours des périodes particulièrement arrosées. Il fit son apparition en afrique de l’ouest, importé d’afrique centrale où il était répandu. Il attaque les cabosses à tous les stades de leur développement et provoque, à l’intérieur de celles-ci, une décomposition complète des graines et de la pulpe. Cette dernière passe du blanc pur au brun sale et gagne en consistance. L’embryon des graines se dessèche. À l’extérieur, des taches noires apparaissent généralement à la surface de la cabosse. Mais il arrive souvent que des fruits ne présentant aucun signe de maladie soient complètement décomposés à l’intérieur. On sait aujourd’hui que cette pourriture n’infecte les tissus qu’en présence de lésions, ou d’infections causées par d’autres maladies. Les pertes annuelles qu’on lui attribue à sont estimées à 44 % environ de la production mondiale. En Amérique, la pourriture brune des cabosses est aussi causée, à un moindre degré toutefois, par le Phytophthora capsici. D’autre part, le Phytophthora citrophthora a été découvert dans du cacao infecté au Brésil. Enfin, la pourriture brune des cabosses sévit, parfois de façon alarmante, dans le Pacifique Sud (Papouasie-Nouvelle-Guinée, Vanuatu, îles Salomon).

Problème majeur en Amérique latine, la maladie fongique du balai de sorcière (angl. witches’ broom) est provoquée par un champignon, le Crinipellis perniciosa, qui s’attaque aux jeunes bourgeons dès leur naissance et constituent des déformations. Elle est apparue au débt du xxe siècle. Aimée Faichère écrit en 1906 : « A la suite des deux dernières années excessivement pluvieuses, les planteurs de la Guyane Hollandaise ont vu apparaître sur leurs cacaoyers des déformations appelées à Surinam “ Krulloten ” et que l’on nomme en français “ Balais de sorcières ”, dues au champignon que M. Ritzema Bos, l’éminent professeur hollandais de parasitologie végétale, a nommé “ Exoascus Teobromae ”. Ces déformations se sont tellement répandues, qu’elles font craindre, actuellement, pour l’avenir de la culture du cacaoyer dans les Guyanes. En 1902, les Antilles étaient indemnes du parasite ; il y a quelques mois, la première apparition a été signalée à la Trinidad. Il est probable que l’Exoascus Teobromae se répandra dans toute l’Amérique du Sud et l’Amérique Centrale. On ne connaît pas encore exactement l’étendue des dommages qu’il peut causer, mais déjà, en 1902, les Krulloten étaient en si grand nombre dans toutes les belles plantations de la Guyane Hollandaise qu’une très grande quantité d’arbres commençaient à en souffrir manifestement et les planteurs étaient très inquiets. » De fait, cette maladie se répandit rapidement sur le continent américain et allait s’avérer particulièrement dévastatrice — par exemple, dans l’État de Bahia (Brésil), la production annuelle chuta de 75 %. Le seul moyen d’y faire face réside dans la variété de forastero Scavina 6 (ou Sca 6), résistante à ses atteintes.

Dans les années 1960, le champignon Oncobasidium theobromae fut identifié comme étant la cause d’une maladie dévastatrice du cacaoyer en Papouasie-Nouvelle-Guinée et en Asie du Sud-Est, en Malaisie notamment. Celle-ci, baptisée VSD (Vascular-Streak Dieback),se traduit par un dépérissement avec nécrose vasculaire : le champignon s’attaque aux tissus vasculaires qui transportent l’eau et les nutriments dans l’arbre ; les nouvelles pousses atteignent rarement plus de 20 cm, puis dépérissent. Provoquée par le champignon Crinipellis roreri et observée pour la première fois en 1914, dans les régions occidentales de l’Équateur, la moniliose des cabosses resta localisée jusqu’à ce que, au début des années 1970, à la faveur de la construction du pipe-line transandin, elle ne sorte du pays et se propage. Elle est aujourd’hui courante dans les zones cacaoyères d’Amérique Centrale et d’Amérique du Sud, à l’exception de la région au sud de Bahia, au Brésil. Si cette maladie est souvent considérée comme mineure par rapport à la pourriture brune des cabosses et au balai de sorcière, elle n’en est pas moins dévastatrice. S’ensuivent jusqu’à 25 % de pertes dans une récolte. Au Costa Rica, où elle apparut en 1978, les pertes furent évaluées à 60-90 % ; au Pérou, après son apparition dans les années 1990, la production de cacao chuta de 40-50 %. Les spores attaquent les jeunes cabosses (moins d’un mois), qui, au terme d’une période d’incubation de 40 à 60 jours, développent des œdèmes chlorotiques et des déformations. Les cabosses présentent des taches brunes, bientôt suivies d’une nécrose généralisée. Une température comprise entre 22 et 32 °C favorise le développement de la maladie. La suppression des fruits infectés, dès l’apparition des premiers symptômes, est le seul moyen de lutter contre la dissémination des spores.

Les maladies sont aussi dues à des virus, véhiculés par des cochenilles ou des fourmis. Le pire fléau est le virus de l’œdème des pousses (angl. swollen shoot, ou CSSD), transmis par une cochenillle farineuse (espèces Planococcus et Stictococcus). Il peut infecter le cacaoyer à n’importe quel stade de son développement et provoque une altération des tiges, puis la disparition du feuillage. Les souches très agressives de ce virus peuvent tuer les arbres en l’espace de deux à trois ans. S’il se manifesta sans aucun doute dès 1910-1915 dans la région orientale du Ghana, peu après l’établissement de plantations cacaoyères, ce virus ne fut découvert qu’au milieu des années 1930, lorsqu’il sévit dans toutes les plantations d’Afrique occidentale, zone où il est, d’ailleurs, cantonné — Côte-d’Ivoire, Ghana, Nigeria, Sierre Leone, Togo. Il provoqua de tels dégâts qu’en 1939, pour enrayer ses ravages, fut créé le West African Cocoa Research Institute (WACRI) ; son siège se trouvait à Tafo (Ghana), et il possédait des antennes au Nigeria et en Sierra Leone (1). Ainsi au Nigeria chercha-t-on à l’amelonado un substitut plus résistant. Toutefois, au Ghana, l’arrachage de millions de cacaoyers n’en vint pas à bout (2) ; entre 1946 et 1974, la perte moyenne annuelle de cacao était estimée à plus de 17 500 tonnes. Quoi qu’il en soit, la survivance du cacao en Afrique de l’Ouest doit tout au Forastero Amazon qu’introduisit un chercheur, le Dr. A. F. Posnette, officiant au sein du WACRI. Des virus voisins furent signalés en Amérique et au Sri Lanka. Pour lutter contre ces virus, les procédés utilisés sont la destruction des insectes vecteurs par des insecticides et la suppression des arbres atteints et des arbres environnants. L’arrachage et la crémation des arbres attaqués constituent le seul moyen de lutte contre le virus de l’œdème des pousses.

(1) Jusqu’à l’indépendance du Ghana (1957), cet organisme fut financé par l’office colonial et par des négociants de cacao britanniques. Il céda ensuite place à des instituts de recherches indépendants, établis dans les différents pays (par ex., le CRIN, au Nigeria).

(2) Mise en place dès le début des années 1940, la politique « d’abattage » aboutit à la suppression de plus de 190 millions d’arbres infectés, jusqu’en 1980.