Pihan
(France)
Cette ancienne chocolaterie était établie dans le faubourg Saint-Honoré (n° 4), à Paris. On en sait peu de choses sinon qu’elle tenait déjà boutique à cette adresse vers 1900*, qu’elle y vendait, parallèlement aux chocolats de sa fabrication, des thés et cafés supérieurs importés, et qu’elle remporta une médaille d’or à l’Exposition Universelle de 1900. Sa notoriété était grande. On put lire dans Le Figaro du 28 novembre 1890 : « Plusieurs lectrices se plaignent qu’étant allées chez Pihan, le grand chocolatier du faubourg Saint-Honoré, elles n’ont pu, comme elles le désiraient, voir les nouveautés qu’il prépare pour les étrennes. Pihan est encore dans le feu de la création. Il est comme un auteur à la veille de la répétition générale. Il ne pourra satisfaire l’impatience des curieuses que du 10 au 15 décembre. Le Figaro parlera de cet événement sensationnel. » Cette renommée ne se limitait pas à l’hexagone. Trois ans plus tard, le même quotidien écrivait : « Pihan est le roi des chocolatiers et, parodiant un mot célèbre, on peut dire qu’il est également le chocolatier des rois. Il n’est pas, en effet, une bouche souveraine ou princière en Europe, même parmi les plus austères, qui n’ait dégusté au moins une fois, avec ravissement, quelques-unes des succulentes friandises de ce féerique créateur. / Sa dernière création, comme bonbon, est le Magenta, donné comme pendant au Solférino, le triomphe de l’année dernière. Le Magenta. à peine né, a déjà fait son chemin et a été proclamé un chef-d’œuvre par toutes les jolies gourmandes de Paris. Il est en train de faire son tour de France et d’Europe. / En même temps qu’il crée des bonbons adorables, Pihan invente pour les contenir et les présenter, des enveloppes qui à elles seules sont des merveilles.» (Supplément littéraire du dimanche, samedi 23 décembre 1893.) En cette fin du XIXe siècle, le Tatiana et, surtout, le Wilhelmine, abricot enrobé de choolat et roulé dans des amandes, comptaient parmi ses bonbons les plus recherchés. Et plus de trois décenniesplus tard, la réputation du chocolatier était encore bien assise… En 1930, Thérèse et Louise Bonney mentionnent la maison dans leur Shopping Guide to Paris (New York, 1929).
Il semble que, à l’instar de certains de ses non moins célèbres confrères, ce chocolatier fit usage, au XIXe siècle, des papillotes, alors en vogue, sans oublier d’y joindre une devise, souvent empruntée à un grand écrivain. Il aurait ainsi mis « Stendhal en papillotte ». Le fait est signalé par Adolphe Paupe dans La Vie Littéraire de Stendhal** : « Papillotte enveloppant un bonbon du chocolatier Pihan, avec cette devise : “Il y a une chose dont on ne loue jamais les morts et qui est cependant la cause de toutes les louanges qu’on leur donne : C’est qu’ils sont morts.” Un bon point au chocolatier. »
* Quand s’installa-t-elle dans cet immeuble de commerce et d’habitation, à la façade de style indo-sarrasin, conçu par l’architecte Victor Guillemin ? Au milieu du XIXe siècle, le bâtiment, un peu délabré, était occupé par des artisans (charcutier, marchand de bougies, etc.). Il fut ensuite rénové.
** Paris, Librairie Ancienne Honoré Champion, 1914.
La mode, cette année, a pris décidément le chocolatier Piiian sous son patronage. C’est le chocolat d’étrennes par excellence, c’est celui qu’on préfère à tous les autres. Les bouchées impériales sont une véritable création pour la gourmandise française ; jamais on n’avait tiré un parti aussi exquis de cette substance qui s’appelle le chocolat. Le même éloge peut s’appliquer au chocolat praliné de Pihan qui résume toutes les qualités du genre. Le pralinage du chocolat est une opération toujours délicate, et on peut dire que Pihan la réussit de main de maître, ainsi que toutes les préparations que peut subir une denrée qui est comme le chocolat un objet du luxe et de consommation ordinaire, un produit fait à la fois pour le plaisir et la santé.
Le Charivari, 22 décembre 1853
Que les années passent vile ! On pense déjà au Jour de l'An, chacun rêve à ce qu'il doit offrir ou à ce qu'il aimerait à recevoir et on peut dire à l'avance que les préférences des uns et des autres se fixent chez Pihan, 4, faubourg Saint-Honoré. Cela pour deux raisons majeures : ses bonbons de chocolat sont délicieux et ils sont présentés dans de ravissantes fantaisies dont les modèles sont exclusifs. Luxueuses verreries, porcelaines rares, rutilants émaux, sacs, corbeilles et paniers chiffonnés de dentelle, pomponnés de fleurs et de ruban ont la marque Pihan et ne se trouvent dans aucune autre maison.
Le Monde Illustré, 17 décembre 1898
— Voilà, mon ami. Il me restait à savoir si Lise Gendreau avait vraiment pris le thé, hier, à cinq heures, avec ma femme, dans les salons de chez Pihan. Elle l’a pris, ma femme me l’a confirmé. Pas un instant elle n’a parlé de se rendre à Anseval. De retour ici, j’ai relu votre rapport avec soin.
Georges Simenon
La Première Enquête de Maigret
Ci-dessous : La Vie Parisienne, 20 décembre 1913
La publicité
Nous en sont parvenues d’intéressantes publicités. Un projet (encre, aquarelle et gouache, s. d., vers 1900) porte la signature d’Adolphe Willette : un Noir des colonies, arqué sous un énorme sac marqué du nom de Pihan et empli à ras bord, de friandises chocolatées sans doute, pénètre dans une cuisine où la cuisinière, en train de préparer un repas, lève les bras au ciel d’émerveillement. En 1924, Georges Lepape imagina une publicité en forme de bande dessinée(noir et blanc). En 1925, Georges Lepape symbolisa la marque par une élégante assise sur un sofa et tirant des bouffées d’un fume-cigare (noir et blanc).
Adolphe Willette
Albert Guillaume
La chocolaterie émit des timbres-monnaie.
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