Venezuela
Aucune investigation archéologique n’a montré la présence de cacao aux temps préhispaniques. Néanmoins, des chercheurs avancent que des cacaoyers poussaient à l’état sauvage au sud du lac de Maracaibo et dans la région de Paria. L’arbre fut décrit par le Florentin Galeotto Cey, qui s’établit dans la province du Venezuela entre 1544 et 1553 pour y faire du commerce et laissa une précieuse relation sur la vie dans ces régions. Ainsi apprend-on que les indigènes consommaient les graines, de saveur un peu amère, qu’ils jugeaient bonnes pour la santé et protectrices contre les venins. Dans sa Geografia y Descripción Universal de las Indias (1571-1574), Juan López de Velasco s’émerveille de l’abondance d’aliments de toutes sortes et de cacao dont regorge la région de Mérida. Toutefois, il n’indique pas si celui-ci est cultivé. Dans ses Noticias historiales… (1626), Fray Pedro Simón observe, en maints endroits, la présence de cacaoyers et assimile le cacao aux fruits produits par le Venezuela — celui de la province de Caracas, note-t-il, est aussi bon qu’abondant. Quoi qu’il en fût réellement, la culture cacaoyère débuta sur les côtes du Venezuela à la fin du XVIe siècle. Des pères capucins et franciscains l’auraient importée du Mexique (Soconusco, Chiapas) et du Nicaragua. du XVIIe au XIXe siècle, l’économie vénézuélienne reposa sur le cacao. sa production est attestée dès le début du XVIIe siècle, d’abord à l’ouest de caracas, dans les vallées au pied des Andes et dans la région du lac de Maracaibo. La première exportation commerciale, évaluée à 4,5 fanegas (quelque 250 kg), se fit en 1607 à bord du San Francisco, à partir du port de La Guaira et à destination de Carthagène. Dès 1634, à l’instigation des Hollandais établis à Curaçao, le pays expédia quelques envois de cacao en Europe. Les régions de culture varièrent au fil des XVIe et XVIIe siècles. Ce furent : au milieu du XVIe siècle, les provinces de Maracaibo et de Barinas, ce qui correspond à la région au sud du lac de Maracaibo et aux états de Mérida et de Táchira ; à la fin du XVIe siècle, la province de Caracas, ce qui correspond aujourd’hui au district fédéral, aux états de Miranda, d’Aragua et de Carabobo ; au début du XVIIe siècle, les actuels états de Falcón et de Lara ; au milieu du XVIIe siècle, la province de Cumaná, soit l’actuel état de Sucre.
phénomène atypique en amérique latine, l’histoire cacaoyère du venezuela est, en fait, intimement liée à la constitution d’une aristocratie locale (1), véritable oligarchie composée des grandes cacaos, ainsi surnomma-t-on les riches propriétaires d’haciendas de cacao, ennoblis de titres castillans. la période 1620 - 1770 vit la modification des unités productives — de l’encomienda (2) à l’hacienda (3) —, l’évolution d’une simple économie domestique vers un ample marché, ouvert au commerce légal comme à la contrebande (4), et le remplacement de la main-d’œuvre indigène, employée au sein des encomiendas et en voie de disparition (5), par des esclaves dont le travail réduisait le coût des exploitations — on évalue à 35 200 le nombre d’esclaves africains « importés » au milieu du XVIIIe siècle, soit 10 % des esclaves arrivés en Amérique pendant cette période.
Le Venezuela s’imposa, au cours des premières décennies du XVIIe siècle, comme le premier exportateur de cacao. À partir de 1670, il fut le plus important fournisseur de cacaos pour la Nouvelle-Espagne et même l’Espagne. Ses cacaos Caraque, ou caraca, produits dans la province de Caracas, ainsi que ceux de Maracaibo et de Puerto Cabello, étaient réputés. Le chocolat n’était pas aussi répandu que le café, et ce bien qu’il fît l’objet d’une forte consommation. à l’instar de ce qui se passait en nouvelle-espagne et tout comme le café, il exerçait un rôle socialisateur. À Caracas et dans les grandes villes du pays se créèrent des Salones de Familias, où les dames de la haute société se retrouvaient autour d’un chocolat fumant. du fait de son prix élevé — au début du XVIIIe siècle, une fanega de cacao (110 livres) coûtait 22 pesos (6) —, la majeure partie de la population n’y avait pas accès.
A partir de la fin du XVIIe siècle, la production s’avérant insuffisante, des plantations s’établirent et se développèrent à l’est de caracas, dans la région côtière du Barlovento, dans les vallées d’Ocumare del Tuy et de Caucagua. ce qui allait permettre à la capitainerie générale (7) de devenir, au XVIIIe siècle, le plus gros producteur mondial de cacao. celui-ci, qui constitua jusqu’à 85 % des exportations, était surtout expédié en Nouvelle-espagne — la majeure partie du cacao expédié à Veracruz provenait des plantations de la région de Caracas. Puerto Cabello et Carapuno étaient les deux grands ports d’embarquement. à cette époque, la Real Compañía Guipuzcoana de Caracas, créée en 1728 conjointement par le comte de Penaflorida, par des négociants et des marins basques, séduits par les perspectives financières, avait obtenu du roi d’Espagne, philippe v, le monopole du commerce du cacao (8). En échange de cette concession, elle devait surveiller les côtes vénézuéliennes et enrayer la contrebande. Ses principaux ports étaient La Guayra, Puerto Caballo et Maracaibo. Au début, elle ne fut autorisée qu’à envoyer deux navires chaque année ; en 1734, elle se vit accorder la liberté d’en expédier autant qu’il lui siérait. Son influence s’étendit peu à peu, au point qu’elle constituait un véritable pouvoir local, soutenu par la couronne. En fait, elle porta plus atteinte au commerce vénézuélien avec Veracruz qu’au commerce hollandais illégal à partir de Curaçao, lequel devait être sa cible majeure. Elle suscitait le profond mécontentement des planteurs et des marchands en raison de la baisse arbitraire du prix de vente du cacao, et, également, parce qu’elle leur fermait l’accès à d’autres marchés. « Chargés à Saint Sebastien ou Pasajes (9), les navires filaient vers La Guayra mais devaient faire retour par Cadix. Grâce à son monopole, le cacao acheté dix pesos la fanègue était revendu à quarante cinq pesos… ! », explique Marcel Marc Douyrou (10). Confrontée à l’instauration du libre commerce avec l’Amérique, par décision royale de 1778, ayant perdu de nombreux bâtiments lors de la guerre hispano-anglaise (1780-1783) et étranglée de dettes, la Compañía Guipuzcoana disparut au milieu des années 1780 (11).
En 1810, le Venezuela produisait la moitié des besoins mondiaux de cacao. Les cacaos Caraca (de Chuao Chouni, d’Ocumare et de San Felipe) — « petit caraque » et « grand caraque » — , produits dans la province de Caracas, ainsi que ceux de Maracaibo et de Puerto Cabello étaient déjà très estimés en europe. le terrage (voir ce mot) conférait au cacao vénézuélien une incomparable saveur. mais l’abus de cette pratique amena l’Asociación de Manufactureros de Cacao de América à mettre en évidence ses effets négatifs : sur 118 000 sacs examinés, un cinquième du poids de chaque sac était inutilisable. si ce fut là une des causes de la régression de l’économie cacaoyère, d’autres facteurs jouèrent un rôle non négligeable. certes, d’abord, l’introduction, à partir de 1825, de variétés de forastero et de trinitario dans le barlovento, variétés d’un meilleur rendement, mais d’une qualité inférieure de par leur forte teneur en tanin. intervinrent aussi : la concurrence du café, qui, au début du XIXe siècle, supplanta le cacao dans les exportations (12) ; l’abolition de l’esclavage (par décret du président José Gregorio Monagas, 1854), qui réduisit considérablement la main-d’œuvre essentielle au fonctionnement des haciendas de cacao ; les luttes d’indépendance, qui dépeuplèrent les campagnes et entravèrent la rénovation des exploitations ; la négligence des propriétaires de ces dernières qui, s’établissant dans les villes, en confièrent la gestion à des contremaîtres ; l’apparition du balai de sorcière et de ses dévastations. le déclin du Venezuela, en tant que producteur de cacao, était enclenché. néanmoins, jusqu’au dernier tiers du XIXe siècle, le pays occupa le deuxième rang mondial, puis rétrograda à la quatrième place.
(1) Voir l’étude de Frédérique Langue, Orígenes y desarrollo de una élite regional. Aristocracia y cacao en la provincia de Caracas, siglos XVI-XVIII, publiée dans Tierra Firme, Revue d’Histoire et de sciences Sociales, n° 34, avril-juin 1991.
(2) Système instauré par les conquérants espagnols pour utiliser la main-d’œuvre indigène. ainsi la côte centrale du pays fut-elle divisée en vingt-cinq encomiendas.
(3) Une hacienda de cacao était vaste de 30 hectares environ et comptait quelque 15 000 arbres.
(4) Au XVIIe siècle, le commerce avec l’Europe « devint si considérable que les Espagnols en furent jaloux et prohibèrent l’exportation du produit pour tout autre pays que le leur. Les Vénézuéliens, qui trouvaient plus d’avantage à traiter avec les autres nations, n’en continuèrent pas moins clandestinement leurs relations commerciales avec les négociants anglais et hollandais ; les marchandises d’échange étaient transportées furtivement sur des bateaux, dans des parages non surveillés. Et cette contrebande devint telle qu’Amsterdam, à un moment donné, recéla presque tous les cacaos de caraque. Sur les soixante-cinq mille quintaux que récoltait à la fin du xviie siècle la province de Vénézuéla, il n’y en avait pas vingt mille d’exportation légale ; et encore ces dernières expéditions étaient-elles souvent faites par des étrangers couverts d’un prête-nom espagnol. “ De 1706 à 1722, dit M. Gallais, on ne vit pas arriver en Espagne un seul vaisseau espagnol ; et la souveraine maîtresse de l’Amérique fut obligée d’aller payer bien cher dans les marchés étrangers les cacaos récoltés sur ses domaines. » (Henry Jumelle.)
(5) La conquête généra un déclin démographique grave.
(6) Cela inspira au poète Radamès (alias Federico Rivero Escudero), membre du mouvement « Culto de Osiris » (1900-1926), un fragment de son Oda al Chocolate, dans lequel il observe qu’aucune autre denrée ne vaut un tel prix : si , quand il est cher, le maïs atteint 12 pesos la fanega et si le café varie autour de 8 pesos, le chocolat, quant à lui, atteint 18 pesos s’il provient de Barlovento et jusqu’à 50 pesos s’il est de Chuao.
(7) Annexé à la couronne espagnole en 1556, le Venezuela devint capitainerie générale de l’empire espagnol en 1776.
(8) D’après l’abbé Raynal, « Dans les premiers tems, la compagnie ne jouissoit pas d’un privilège exclusif. Le gouvernement le lui accorda, en 1742, pour le département de Caraque, & dix ans après pour celui de Maracaybo, deux territoires dont la réunion forme la province de Venezuela qui occupe quatre cens milles sur la côte. / Jusqu’en 1744, les vaisseaux, à leur retour du Nouveau-Monde, devoient tous déposer leur cargaison entière dans la rade de Cadix. Après cette époque, leurs obligations se réduisirent à y porter le cacao nécessaire à l’approvisionnement de l’Andalousie & des contrées limitrophes. On consentit que le reste fût débarqué à Saint-Sébastien, berceau de la compagnie. »
Une exposition Voyage du Cacao au XVIIIe siècle, organisée au Musée basque, de Bayonne, en 2009, fut consacrée à cette épopée maritime et commerciale. Exposition patronnée par l’Espagne, à l’occasion de sa présidence de l’Union Européenne.
(9) Ils embarquaient les produits demandés par la société créole : tissus, farine, vin et eau-de-vie.
(10) Chocolat de Bayonne et du Pays Basque, 2010.
(11) Ses actifs furent absorbés en 1785 par la Compañía Real de Filipinas, qui obtint l’exclusivité du négoce pour vingt années.
(12) A la fin de la première décennie du XIXe siècle, le cacao représentait un peu moins de 50 % des exportations vénézuéliennes.
(13) Rapports du Jury international publiés sous la direction de M. Michel Chevalier, 1868.
« Les cacaos de Venezuela, appelés cacaos caraques, proviennent de plantations parfaitement cultivées par les colons basques depuis longtemps fixés dans le pays. Ces cacaos sont d’une finesse exquise, mais toujours d’un prix élevé, en raison de leur qualité ; aussi ne les emploie-t-on que pour la confection des chocolats superfins. Les caraques sont de plusieurs sortes qu’on peut ranger dans l’ordre suivant d’après leur finesse : 1° Chuao ; 2° Ghoroni ; 3° O’Cumar ; 4° Rio-Chico. », lit-on dans le rapport de l’Exposition universelle de 1867 à Paris (13). Quant au Maracaibo, il et, explique le docteur Georges Pennetier, « composé de fèves un peu plus grosses que le caraque et rappelant par leur forme celle du caraque deuxième choix. La coque est peu adhérente, grise ou brune, moins épaisse que dans le caraque et moins chargée de terre. La chair est brun violet, plus grasse que celle du caraque, et sa saveur est peu prononcée. » (Leçons sur les matières premières organiques, 1881.) le commerce du cacao s’était alors profondément modifié. Précédemment aux mains de négociants originaires de la péninsule ibérique ou des Canaries, que chassèrent les guerres intestines, il passa sous le contrôle d’immigrants corses, venus s’établir à Carupano, principal port d’exportation, et qui ne tardèrent pas à gérer des exploitations.
En 1900, les principaux terroirs de production étaient : les districts de Girardot (municipe de Choroni), de Paës (municipe de Rio Chico), de Vargas (municipe de la Guaira), dans l’État de Miranda ; d’Ocumare et de Puerto-Cabello dans l’État de Carabobo ; ainsi que la péninsule de Paria dans l’État de Bermudez, où étaient produits les carupano. Henry Jumelle résume parfaitement la situation cacaoyère du Venezuela d’alors : « Les cacaos du Venezuela sont les plus recherchés en Europe et ceux qui atteignent les prix les plus élevés ; les premières qualités peuvent être vendues 170 à 200 francs les 50 kilogrammes. Ils sont encore désignés — sauf la sorte de Maracaibo, ordinairement mise à part — sous les noms de cacaos de la Terre-ferme ou cacaos de la Côte-ferme, ou plus simplement de caraques. Et l’on distingue les caraques premier choix et les caraques second choix. / Les caraques premier choix sont récoltés à Ocumare, à Choroni, à Naiguata. Ils sortent tantôt par La Guayra, port de Caracas, tantôt par Puerto-Cabello, et prennent le nom de la ville d’où ils sont exportés. […] / Les caraques second choix ou petits caraques sont encore appelés, d’une manière générale, Carupano, quelle que soit leur provenance. Ils comprennent les Rio Chico, les Rio Caribe et les Guïra. Les amandes sont ovoïdes, assez régulières, à coque plus mince que celle des précédentes. Elles sont ordinairement envoyées à la Trinidad, d’où elles sont alors souvent exportées sous ce nom. Leur arôme est moins fin que celui des caraques premier choix. Les Carupano valaient, en mars 1899, de 93 à 95 fr. les 50 kilogr. / Les cacaos Varinas sont quelquefois rangés parmi les précédents, mais leur sont inférieurs ; les graines sont plus petites, à odeur moins agréable. / Les cacaos Maracaibo, qui viennent également du Venezuela, sont à fèves longues et fortes, avec une coque gris-brun et une amande violacée, onctueuse sur la coupe. » Les exportations avaient connu une progression fulgurante : 3 600 tonnes en 1830-1831, 8 930,20 tonnes en 1895-1896.
Toutefois, la découverte des ressources pétrolières au début du XXe siècle fut suivie de la réforme agraire qui démantela les grandes plantations. L’industrie vénézuélienne fut dès lors négligée, et l’économie perturbée. D’autant plus qu’en 1933, un violent cyclone fit de considérables ravages. Il fallut attendre la fin des années 1990 pour voir un Plan Cacao, d’initiative privée (14), tenter de sortir la cacaoculture de sa torpeur, en rajeunissant les cacaoyères des zones de production traditionnelles, pour relever le rendement à 200 kg à l’hectare, et en projetant de créer de nouvelles plantations, ce aux fins d’atteindre une production globale de 45 000 tonnes en deux décennies. Ce programme suscita l’intérêt d’investisseurs privés. La firme Valrhona commença à acheter toute la production de Chuao à travers Rosenberg (15). aujourd’hui, les trois zones cacaoyères sont : la région du nord-est, les états de Sucre, Monagas et Delta Amacuro — l’état de Sucre étant le principal producteur de cette région — ; la région côtière centre-nord, qui couvre les états de Miranda, Aragua, Carabobo et Yaracuy — à lui seul, l’état de Miranda fournit 40 % de la production nationale — ; et la région du sud-ouest, qui comprend les états de Táchira, Apure, Barinas, Mérida et Zulia — si sa production est moindre (11 % du total national), son cacao est l’un des meilleurs du pays. pour avoir connu une détérioration de la condition de ses planteurs (300 environ), le Barlovento a bénéficié d’un plan, oderi, visant à regrouper les planteurs pour approvisionner une nouvelle usine de fabrication de chocolats, à améliorer les technologies de production et à produire du cacao de haute qualité pouvant s’élever au niveau du cacao fin / aromatique, qui fait la réputation d’autres régions — le Brésil produit 50 % de cacao fin. de 10 000 hectares l’aire de production du barlovento devrait passer à environ 30 000 hectares. De même, le municipe d’Ocumare de la Costa, où longtemps régna un cacao réputé pour sa qualité, mais qui lui préféra le café et le relégua en culture d’appoint, connaît un regain d’intérêt pour la cacaoculture. Créée en 1998, l’ASOPROCAR (Association des Producteurs de Cacao de la Côte d’Aragua) travaille à la restauration des cacaoyères délaissées pendant tant d’années. À partir du criollo « fin » produit dans la région et qui est aussi qualitatif que les cacaos de Chuao et de Choroni, quelques entreprises artisanales élaborent des produits finis.
(14) L’inspirateur en fut Jorge Redmond, président de l’entreprise familiale Chocolates El Rey, de Caracas.
(15) Business Week, 1er juin 1998.
Cocoa Harvest, par Salas - 1989
Les cacaos du Venezuela
L’appellation « Venezuela » ne dit rien sur le cacao concerné. Il est essentiel d’en connaître la région de provenance. Les deux terroirs privilégiés en matière de qualité sont le Puerto Cabello et le Sur del Lago. Le premier, sis entre Caracas et Maracai, couvre les bourgs de Choroni, Chuao et Ocumare de la Costa de Oro. Les cacaos criollos, trinitarios et nacional y présentent des arômes de caramel, de noisette fraîche et parfois de tourbe. Le Chuao, criollo bénéficiant de l’appellation « cacao fin », est l’un des crus les plus estimés au monde. Rond et intense, il se caractérise par son arôme épicé, à dominante de tabac brun, son corps moelleux, sa légère amertume et sa longueur en bouche. Moins puissant que le Chuao, le Puerto Cabello est à la fois riche en arômes et d’une grande finesse aromatique. Le Caracas, criollo bénéficiant de l’appellation « cacao fin », présente un arôme embaumant et délicat, un corps tendre et délicat, un goût rond et authentique. Certains professionnels le recommandent pour la réalisation des pâtisseries et entremets au chocolat.
Le second terroir, Sur del Lago, situé entre le lac de Maracaibo et la frontière colombienne, produit le célèbre porcelana, criollo d’origine, aux notes rondes de miel et de caramel. Ce cru donne un chocolat peu tannique, riche en arômes et en saveurs. C’est dans sa plantation Pedregal que la firme Valrhona (voir ce nom) a assuré la sauvegarde de la variété menacée porcelana, réputée pour son goût parmi les plus fins au monde et l’équilibre parfait de ses arômes. Le criollo y présente des notes de fruits rouges.
Le chocolat au Venezuela
La mention la plus ancienne d’un établissement commercialisant le chocolat figure dans le quotidien El Liberal en date du 21 août 1838 via une annonce qui proposait du « Chocolat de bonne qualité, au prix de 2 reales la livre ». Dès le milieu du xixe siècle, des chocolateries virent le jour. Ce fut d’abord le Café Español (1857). En 1861, des suisses, les frères Fullié, fondèrent à Caracas une manufacture, El Indio, qui a perduré jusqu’à nous ; elle obtint en 1873 lors de l’exposition mondiale de Vienne une récompense pour la haute qualité de ses produits. Par suite de divisions internes, elle donna naissance, entre autres, à La India, C. A. En 1902, Paul Preuss écrivait : « La consommation du cacao au Vénézuela même est assez importante. À Caracas, quelques grandes fabriques de chocolat emploient de grandes quantités de cacao, surtout des variétés Carupano pour fabriquer du chocolat, moins pour faire du cacao deshuilé, car l’emploi du beurre de cacao qui en résulte n’a qu’un débouché limité au Vénézuela et l’exportation de ce produit en Europe ou dans l’Amérique du Nord n’est pas suffisamment rémunératrice. […] Le cacao destiné à l’usage personnel est préparé au Vénézuela par les planteurs eux-mêmes. On torréfie les graines, on les nettoie, on les moud, puis on presse la masse en tablettes sans la deshuiler : ces tablettes sont réduites en poudre selon les besoins, et celle-ci sert à faire du chocolat ou du cacao. Ce breuvage a un goût particulier qui ne plaît pas beaucoup aux Européens, les premières fois, mais auquel ils finissent par s’habituer. / L’arôme en est extrêmement fort. La grande quantité d’huile que contient le cacao ainsi préparé le rend difficile à digérer, et il n’est recommandable qu’aux gens qui mènent une vie active au grand air. »
D’autres importantes compagnies devaient contribuer à l’histoire chocolatière du pays : Chocolates el Rey, fondée à Caracas en 1929, et Savoy Candy C. A., créée en 1941, toutes deux toujours présentes. Il est intéressant de noter qu’un chocolatier belge, Ludo Gillis, impressionné par la qualité du cacao vénézuélien, ouvrit une petite fabrique, La Praline, à Caracas, en 1985. Ses nombreuses variétés de bonbons de chocolat connurent un rapide succès. Parmi ses clients : le président américain Clinton et le pape Jean-Paul ii, lors de leur passage à Caracas.
Venezuela : production de cacao
en milliers de tonnes
1893-94 6,924
1894-95 7,712
1895-96 9,562
1896-97 9,008
1897-98 9,572
1898-99 9,961
1899-1900 11,900
1900-01 7,860
1901-02 9,925
1902-03 12,450
1905-06 12,864
1906-07 13,471
1907-08 16,303
1913-14 16,900
1914-15 18,300
1915-16 15,200
1916-17 13,100
1917-18 13,000
1960-61 16,901
1961-62 18,910
1962-63 20,771
1963-64 20,469
1964-65 20,173
1965-66 19,881
1966-67 20,659
1967-68 19,332
1968-69 18,278
1969-70 18,884
1970-71 19,413
1971-72 16,718
1972-73 19,081
1973-74 17,928
1974-75 19,953
1975-76 15,091
1976-77 16,389
1977-78 16,610
1978-79 17,590
1979-80 14,953
1980-81 14,840
1981-82 13,257
1982-83 13,960
1983-84 10,584
1984-85 10,938
1985-86 11,955
1986-87 12,614
1987-88 13,636
1988-89 13,978
1989-90 15,527
1990-91 16,661
1991-92 17,100
1992-93 16,080
1993-94 16,661
1994-95 16,978
1995-96 17,124
1996-97 18,529
1997-98 17,965
1998-99 13,918
1999-2000 16,126
2000-01 15,834
2001-02 16,164
2002-03 15,376
2003-04 17,515
2004-05 16,946
2005-06 17,151
2006-07 18,911
2007-08 20,457
2008-09 18,000
2009-10 18,000
2010-11 18,000
2011-12 ?????
2012-13 ??????
[Source : FAO.]